LA CROIX

 

La violence appelle la vengeance, et la vengeance appelle la vengeance. Cette répétition ouvre une perspective infinie comme font deux miroirs dressés face à face. Si ceux qui l’ont compris ne sont pas les premiers à interrompre la chaîne de la violence, quel que soit le prix de ce choix, et dussent-ils y perdre les deux joues, alors tout espoir est vain et l’humanité disparaîtra sans doute sous le poids de ses bombes. Instrument d’un supplice consenti, dépouillée de toute mythologie, c’est cela que la croix signifie; que la non-violence est la seule attitude qui élève l’humanité au-dessus de la bestialité. Elle représente aussi un ordre social qui sous le nom de Royaume proposa plus que toutes les Républiques. Le programme est contenu dans un livre écrit à la manière des contes de fées. Ce langage nous est familier et nous savons que sous le masque du merveilleux ce sont souvent de profondes vérités qui nous sont enseignées. Nous acceptons la convention dans le temps où nous lisons le récit, mais nous savons parfaitement distinguer la fable de la réalité, et à quel univers appartiennent les elfes et les bottes de sept lieues, et à quel autre les chats et les cordonniers. Et pourtant, par une étrange fatalité, lorsqu’on aborde le récit du crucifié la convention n’est plus respectée. Toutes les fois qu’il est question d’eau changée en vin ou de vin changé en sang, ou si quelqu’un marche sur l’eau ou disparaît soudain dans les nuées, on nous assure que c’est l’exacte vérité. Le texte représente-t-il le maître d’une vigne versant un salaire égal à tous ses ouvriers? On nous dit qu’il n’y a là qu’images et sens figuré. Je devine quelle fatalité pèse sur ce texte: elle a pour noms Paresse et Envie, Egoïsme et Profit. Nous avons préféré croire à des fables, et qu’il est possible en ce monde de multiplier le pain, parce que cela nous dispensait peut-être de le partager. Nous avons brûlé pour cela tous ceux, — toutes celles, — qui ne croyaient pas aux fées, et nous avons fait des siècles de l’ère chrétienne un temps d’obscurantisme, contrairement à ce qu’affirme la devise que je prétends illustrer. J’approuve la devise, cependant, et ne renonce pas à la croix. Notre aveuglement n’est pas l’infirmité qui nous saisit lorsque la nuit s’obscurcit et que nous essayons en vain de voir; c’est plutôt l’ignorance où nous cherchons refuge quand, pour nous protéger d’une lumière trop vive ou trop soudaine, nous fermons aussitôt les yeux. Cette clarté sans forme où nous baignons depuis deux millénaires est peut-être la plus profonde des ténèbres, mais elle n’a que l’épaisseur de nos paupières. Il ne dépend que de nous d’en sortir. Mais c’est aussi ce qui m’inquiète.

 

 

1982 - 1983

 

 
  

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